La culpabilité du paresseux

 Ou comment tricher aux mots croisés...


Il y a peu je suis tombée sur un livret de mots croisés, vestige d'une soirée à patienter dans une salle d'attente hospitalière. Et me voilà à me dire qu'il est bien dommage qu'il prenne la poussière dans un tiroir, la case vide et la définition en berne, alors que je pourrais faire l'effort de terminer l'ouvrage entamé.

 

Ni une ni deux, au premier trajet en métro, j'emporte le magasine et m’attelle à la lourde tache de remplir les petites grilles des bonnes lettres (oui c'est important comme détail quand même). Et tout aurait pu être bien qui fini bien, sans l'attaque du paresseux à deux lettres. Je m'explique.

Si un cruciverbiste passe dans le coin, peut être connaîtra-t-il la situation dont je parle. La grille est finie, toute belle, chaque petite lettre joliment calligraphiée à sa place... Toute, sauf une petite case isolée qui résiste encore et toujours à l'envahisseur sur un côté. « Paresseux en deux lettres ». On a bien la dernière, un « i » mais bien entendu vu l'emplacement du mot, pas moyen de trouver la première en s'aidant des autres définitions.

« Paresseux en deux lettres ».

Sans vouloir être rabat-joie, cela fait peut être partie de la culture générale, mais ce n'est pas tous les jours que l'on à une conversation sur les paresseux.

« Paresseux en deux lettres ».

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El là, il n'y a pas 50 solutions. Soit on laisse la case définitivement vide, ce qui perturberait légèrement le flot de mon esprit rigide.

Soit on attend de rentrer à la maison pour chercher sur internet. Mais la patience n'a jamais été la première de mes vertus.

Soit on regarde dans les solutions. Et j'ai regardé dans les solutions.

Mais je n'ai pas regardé franchement pour juste trouver la bonne réponse, non. J'ai regardé en secret, rongée par la honte. En feuilletant l'air de rien, comme si je pouvais retrouver une page perdue dans les dernières pages solutions. J'ai regardé en débordant de gêne, le regard aux aguets afin de voir si quelqu'un surprenait mon méfait.

Qu'est ce qui peut donc pousser un adulte, relativement stable par ailleurs, à éprouver tant de culpabilité à regarder une solution (faite pour ça doit dit en passant) alors qu'il agite fièrement un mini crayon « emprunté » chez IKEA sans que cela ne lui pose soucis ? Voler oui mais recopier non !

Un vieux relent de l'époque scolaire ? Celle où regarder dans un livre pour trouver la bonne solution (ce que tout le monde fait dans la vraie vie) nous valait un zéro à l'interrogation ?

Le jugement des autres ? Mon inconscient est-il vraiment assez stupide pour penser que ma performance à une grille force 3 peut intéresser qui que ce soit dans le métro ?

J'ai bien tenté de regardé les solutions en l'assumant, le buste droit et le magasine sur les genoux, ces fameuses pages solutions exhibées à tous les vents. Mais rien à faire, je me sens mal quand je le fais. Alors pour l'instant je continue à tricher en secret, le doigt léger et l’œil furetant, afin de grappiller les quelques lettres des mots inachevés.

Et me voici donc avec ma question existentielle qui n'a pas trouvé de réponse. Je suis bien entendu preneuse de toutes vos propositions.

Tout ça pour un paresseux en deux lettres.

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